C’est un leitmotiv chez LEONEX : quand il s’agit d’augmenter ses marges, la question la plus importante pour la majorité des entreprises n’est pas la réduction des coûts de production, ni même le changement du niveau de prix, mais bien d’abord l’amélioration du « Modèle de Prix ».
Qu’est-ce que le Modèle de Prix ?
Généralement, le prix d’une offre n’est pas fixe, mais varie en fonction de différents paramètres constitutifs de l’offre.
Par exemple, si vous commandez un article en e-commerce, il y a des chances pour que le prix final payé dépende d’options sur le mode de livraison : à domicile, en point relais, etc… Ici, le mode de livraison est donc un paramètre du modèle de Prix.
De même, si vous prenez un abonnement d’un outil digital en SaaS, il y a des chances pour que le prix de l’abonnement varie en fonction de la durée d’engagement (mensuel versus annuel) et du nombre de licences. Ici, la durée et le volume d’abonnements sont des paramètres du modèle de Prix.
Pourquoi un mauvais Modèle de Prix détruit les Marges de l’entreprise
Et ce sur quoi nous insistons, par exemple au chapitre D de La Stratégie du Vide, c’est justement sur le double piège dans lequel la majorité des entreprises tombent, et qui leur font perdre de la Marge économique.
En effet, trop souvent, les entreprises agissent comme si le modèle de Prix de leur offre était une donnée figée du marché, et que seul le niveau de Prix pouvait être ajusté par elles. C’est bien entendu faux ! En réalité, très souvent, ce modèle de prix « standard » est celui qui arrange le leader du marché, parce qu’il l’aide à valoriser son avantage distinctif. De ce fait, cela empêche la PME, plus petite, à trouver le modèle de Prix qui optimise ses marges.
Pire encore, cela tend à détruire ses marges et sa valeur financière. En effet, la seule façon correcte de construire son modèle de Prix est de s’efforcer à ce qu’il reflète sa Proposition de Valeur, c’est-à-dire ici les avantages distinctifs que la PME a construit ou cherche à construire.
Pourquoi ? Parce qu’une différenciation n’est pas un simple discours : elle demande des efforts, donc des coûts, pour pouvoir réellement délivrer aux clients cet avantage distinctif. Donc si les coûts sont significatifs et causés, la seule façon de pouvoir construire sa Marge est bien de vérifier que le Prix permet structurellement une Marge suffisante par rapport à ces coûts. Dit autrement, les coûts correspondant à l’avantage distinctif de la PME doivent se retrouver en miroir en paramètres dans le modèle de Prix.
Prenons un exemple simple : imaginons une PME qui distribue du matériel de construction, et dont l’une des sources de différenciation de valeur est sa rapidité et qualité de livraison et installation du matériel. Pour ce faire, l’entreprise doit forcément déployer des efforts spécifiques en termes d’équipes de livraison et installation.
Ainsi, si le prix ne dépend que du volume du matériel livré, l’entreprise ne fait que supporter ces coûts supplémentaires, mais ne fait pas payer au client cette valeur spécifique, bien qu’il y a des coûts en face. Cela diminue la Marge, évidemment.
Redisons-le : si une entreprise fait l’erreur classique de prendre le modèle de Prix comme un standard rigide du marché, non seulement elle n’optimise pas sa marge, mais, très certainement, elle la « détruit ».
Modèle de Prix : le cas du Conseil en Informatique
Prenons le cas classique du Conseil IT.
Il existe 2 modèles de prix très répandus :
1- prix de l’intervention dite « au TJM », càd un prix par journée de consultant, multiplié par le nombre de jours d’intervention.
2- moins fréquent, mais très classique tout de même, un prix au forfait, càd un prix fixe prédéterminé, pour l’ensemble de la réalisation définie en amont.
Le premier Modèle de Prix valorise un positionnement où le conseil est une commodité, et où l’on met un prix de marché sur la matière première, qui est le consultant (selon son niveau de séniorité).
Ce modèle ne permet de construire des marges que selon l’efficacité du process global Recrutement & Staffing : dès qu’un Consultant part, ou dès qu’il est inoccupé, le cabinet de Conseil perd de la marge.
Dit autrement, cela revient à un modèle capacitaire de commodités : le volume et l’optimisation du taux d’utilisation de ressources commoditisées sont les déterminants de la Marge.
Ce modèle favorise donc des acteurs grands et à forte notoriété (les leaders du marché, en résumé…) qui peuvent essayer d’optimiser ces 2 paramètres.
En revanche, toute PME plus experte, ou avec un positionnement différencié, est défavorisé par ce modèle. D’autant plus que ce modèle revient à ce que le Client achète uniquement la valeur de la fiabilité des moyens (notamment leur faire confiance sur le fait qu’ils n’augmentent pasla durée artificiellement…) ; rien d’autre.
Le second modèle classique, de prix au Forfait, pose d’autres difficultés. En effet, le Forfait induit que l’on puisse figer en amont un montant du prix, tel qu’il permette de construire de la marge, donc avec une bonne vision en amont des coûts de delivery.
Dit autrement, cela nécessite de s’être suffisamment bien accordé avec le client en amont sur le contenu final du delivery, pour avoir une estimation fiable des moyens et méthodes nécessaires du delivery, ce qui n’est en réalité possible que si le contenu du delivery est lui-même suffisamment standard !…
Mais dans ce cas, le forfait n’est qu’un habillage d’un prix au TJM. C’est en réalité ce que font les cabinets de conseil leaders : 1- refuser les Forfaits ; 2- sinon, prévoir des clauses de pénalité et remises en cause du Forfait en cas de problème ; 3- sinon, habiller un calcul de TJM en Forfait, car le Forfait a l’avantage de donner l’impression au client qu’il connaît le prix à l’avance.
Modèle de Prix : de la créativité et de la connaissance clients
Ainsi, aucun de ces 2 modèles de Prix ne permet de valoriser d’autres avantages distinctifs classiques. Notamment : a) la rapidité de livraison ; b) la qualité du delivery ; c) l’usage réel ; ou d) la valeur du résultat.
Pourtant, un peu de travail et de créativité permettraient de s’en approcher !
Par exemple :
a) pour valoriser la Rapidité : une rémunération avec une première partie standard (TJM ou Forfait) à un prix proche de la moyenne du marché, plus une seconde rémunération au Forfait reçue en cas de delivery avant une certaine date.
b) pour valoriser la Qualité du delivery : une rémunération avec une première partie standard (TJM ou Forfait) à un prix proche de la moyenne du marché, plus une seconde rémunération au Forfait reçue au bout de x mois après la livraison, dans le cas où le nombre de bugs et de claims est inférieur à y.
c) pour valoriser l’Usage réel : une rémunération différenciée par feature (technique ou UX) du Produit à livrer
d) pour valoriser le Résultat : une rémunération avec une première partie standard (TJM ou Forfait) à un prix proche de la moyenne du marché, plus une seconde rémunération au Succès, reçue en fonction de l’atteinte d’un objectif métier (ex : taux d’adoption) du Produit.
Bref : on le voit clairement, rien d’impossible, mais un exercice qui doit lier créativité et connaissance clients.
Sans travail sur le Modèle de Prix, la Marge est en danger !
À défaut, en se cantonnant aux 2 modèles standards de marché, la Marge de la PME du Conseil IT est forcément en danger :
Avec le TJM, la marge est structurellement plafonnée, et ne peut que produire des mauvaises surprises à la baisse, via le turnover, le taux d’inoccupation, et la négociation à la baisse par les services Achats des donneurs d’ordre.
D’où la dépendance à des événements externes, comme la politique du CIR ou la course à la taille (croissance externe notamment).
Avec le Forfait, la Marge de la PME dépend essentiellement des gains de productivité, qui eux-mêmes, tendanciellement, dépendent de la répétabilité de travaux suffisamment standardisés.
La Marge repose donc in fine sur une asymétrie d’information entre la PME et le Client, jusqu’à ce que ce dernier estime que ces travaux standardisés pourraient donc être délivrés au TJM.
La Marge de la PME de Conseil, dans le temps, dépend donc de sa capacité à être suffisamment performante sur des offres nouvelles et qui bénéficient de l’asymétrie d’information dans le marché.
Ce processus d’innovation est vital, mais très coûteux pour la PME, et il n’est pas sûr que la marge des Forfaits « actuelle » soit suffisante pour financer cela. Surtout que cette marge est rarement analysée de cette manière…
In fine, et comme souvent, cela n’est pas suffisant mais cela est nécessaire : travailler son Modèle de Prix, pour améliorer son adéquation avec sa Proposition de Valeur, est vital pour la Marge des entreprises, et donc leur pérennité.